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FLORE DES SERRES
ET DES
JARDINS DE L'EUROPE,

Journal Général D'Horticulture

GRANDE EDITION.
Tome VIII, t. 775-776, pp. 67-73

Publié à Gand (Belgique),
Par LOUIS VAN HOUTTE, EDITEUR.

1852-1853

NYMPHÆA ORTGIESIANO-RUBRA (1)

Nymphæaceæ § Eunymphæeæ, - Polyandria-Polygynia.


Image from PANTEEK'S ANTIQUE BOTANICAL PRINTS

CARACT. GENER. - Voir ci-dessus, tome VI, p. 293.

CARACT. DE L'HYBRIDE. - Nous les exposons ici d'une manière comparative en regard de ceux de ses deux parents :


Image from PANTEEK'S ANTIQUE BOTANICAL PRINTS


 N. ORTGIESIANA.(2)
(N. dentata, NOB., ci-dessus t. VI, p. 293.) (Père.)

Tempérament robuste; végétation luxuriante; floraison facile, abondante.

Feuilles d'un vert gai uniforme en dessus, à nervures non discolores, d'un vert légèrement fauve et sans macules en dessous.

Fleurs (2-3) s'ouvrant le soir, ne se refermant en moyenne que vers 9 heures du matin, s'étalant tout à fait en étoile.

Sépales (à l'intérieur) et pétales d'un blanc très pur.

Filets staminaux d'un blanc jaunâtre, avec une macule rouge à la base interne, connectif jaunâtre.

Rayons stigmatiques (portion papilleuse) à sommet arrondi, ne se prolongeant pas sur la base des parastigmates.

Parastigmates jaunes, lavés de rouge.

 N. ORTGIESIANO-RUBRA.
(Produit croisé)

Tempérament robuste; végétation très luxuriante; floraison très facile, très abondante.

Feuilles d'un vert sombre, avec les nervures d'un vert clair et quelques macules rougeâtres clairsemées en dessus, d'une teinte vineuse uniforme en dessous.

Fleurs (4-6) s'ouvrant le soir, se refermant vers 11 heures du matin, s'étalant tout à fait en étoile.

Sépales (à l'intérieur) et pétales d'un rose plus on moins foncé.

Filets staminaux orangé-rougeâtres, connectif d'un rouge terne.

Rayons stigmatiques comme chez le N. rubra.

Parastigmates d'un rouge orangé.

  N. RUBRA.
(ci-dessus, t. VI, p. 297, 298, 299, et t. VII, p. 25.) (Mère)

Tempérament délicat; végétation assez faible, floraison difficile, peu abondante.

Feuilles d'un rouge vineux sombre, avec des portions vertes en dessus, d'une teinte vineuse uniforme en dessous.

Fleurs (1-2) s'ouvrant avant le jour, se refermant vers 10 heures du matin, ne s'étalant jamais en étoile.

Sépales (à l'intérieur) et pétales couleur amaranthe et carmin.

Filets staminaux d'un rouge terne, connectif d'un rouge pourpre noir.

Rayons stigmatiques (portion papilleuse) terminés en pointe aiguë et se prolongeant sur la base des parastigmates.

Parastigmates d'un noir pourpre.

Trop souvent l'abus d'un terme en rend suspect l'emploi légitime : tel est le cas pour le mot hybride dans le langage horticole. Que signifie ce mot, en effet? le produit bien avéré du croisement artificiel ou naturel entre deux espèces? (3) A quoi l'applique-t-on, mille fois sur une? A de simples variétés de semis, aux nuances de variétés déjà connues, à de vrais enfants trouvés dont on s'avise un peu tard de reconnaître le père et la mère, non sur des documents authentiques, mais d'après le témoignage vague et trompeur de la ressemblance. Tant que de pareilles habitudes régiront la nomenclature horticole, faut-il s'étonner qu'une suspicion générale accueille ces prétendus hybrides dont s'émaillent les pages des catalogues? Faut-il blâmer les savants, qui, désireux d'imprimer à l'horticulture une marche rigoureuse, restreignent l'influence du croisement, et ne veulent le reconnaître que sur des preuves bien établies? Loin de s'insurger contre ce contrôle tutélaire, les praticiens, vraiment pénétrés de la dignité de leur art, rivaliseront d'intelligence et de zèle pour en étendre la portée scientifique. Faisant table rase sur le chaos de la routine, ils édifieront à la place un corps d'observations consciencieuses, sûrs de recueillir un jour en applications utiles les fruits de ces données positives.

Ces réflexions préliminaires nous sont naturellement inspirées par l'objet du présent article. N'aurait-il que son mérite ornemental, l'intérêt ne lui ferait certes pas défaut : mais, à côté de cette valeur intrinsèque, justement appréciée des anthophiles, il offre aux yeux du savant un avantage d'un ordre plus élevé. C'est un hybride dans le véritable sens du mot, hybride dont l'histoire est parfaitement constatée et dont l'étude fournit des faits curieux à la question générale de la fécondation croisée. En obtenant, dans le jardin de M. Van Houtte, ce produit mixte entre deux espèces, en notant avec précaution les circonstances de son heureuse tentative, M. Ortgies a donc servi du même coup les plaisirs des amateurs et les études des savants. Puisse l'exemple trouver des imitateurs !

Nos lecteurs se rappellent peut-être deux magnifiques Nymphæa, publiés dans ce recueil, l'un sous le nom de N. dentata (T. VI. p. 295), l'autre sous celui de rubra (T. VI, p. 297, 298, 299, T. VII, p. 25). La première espèce, aujourd'hui reconnue distincte du Nymphæa dentata de Hooker et nommée par nous Ortgiesiana, et remarquable par de grandes fleurs d'un blanc pur, qui s'ouvrent vers le crépuscule, s'étalent en large étoile plane et ne se referment que vers les dix heures du matin; elle est d'ailleurs d'une végétation vigoureuse, demande comparativement peu de chaleur et produit depuis le printemps jusqu'en automne, en série non interrompue, jusqu'à trois ou quatre fleurs à la fois. La seconde espèce, également comprise dans le sous-type des Lotos, se distingue par des fleurs d'un pourpre amaranthe, richement nuancées de reflets violets, mais qui, par malheur, ne s'ouvrent que d'une manière imparfaite, peu de temps avant le lever du soleil, pour se refermer quatre ou cinq heures après : d'ailleurs, d'une constitution plus délicate, cette espèce exige, pour se développer et fleurir, une température assez élevée; encore sa floraison est-elle rare et peu prolongée. Si la vigueur de l'une a quelque chose de viril, la faiblesse de l'autre s'allie à des grâces, à des beautés toutes féminines. La fusion de ces qualités harmoniques promettait donc un magnifique résultat. L'art devait tirer de la nature plus qu'elle ne donnait d'elle-même : l'essai fut tenté, le succès dépassa toute prévision, car le produit dimorphe des deux espèces, notre N. Ortgiesiano-rubra, héritant des qualités de ses parents, l'emporta sur le père même, pour la vigueur végétative et l'abondance de la floraison.

C'est dans le courant de l'été 1851, que M. Ortgies obtint les graines de cet hybride, en retranchant les étamines des fleurs du Nymphæa rubra, et saupoudrant les stigmates vierges de cette espèce avec le pollen du N. Ortgiesiana. Semées immédiatement après leur récolte, ces graines ne tardèrent pas à lever. Observés avec soin, les jeunes plants annonçaient déjà, par la coloration plus verte des feuilles, une différence notable avec les plants analogues du Nymphæa rubra pur sang. Ces précieux indices devinrent de jour en jour plus marqués : enfin, dès le mois de mai 1852, parurent les premières fleurs de l'hybride, intermédiaires entre le père et la mère, par leur couleur rose, tenant du premier par le mode, le temps et la durée de leur épanouissement. Ajoutez à ces qualités une vigueur insolite de croissance, la faculté de fleurir presque à l'air libre, une prolificité telle que, jusqu'en décembre, le même pied étalait parfois jusqu'à sept fleurs en un jour, c'est plus qu'il n'en faut pour élever la nouvelle plante au-dessus de toute rivale. (4)

Un des caractères habituels des hybrides, tant végétaux qu'animaux, c'est d'être stériles, c'est-à-dire inaptes à se reproduire d'eux mêmes par fécondation.(5) On connaît pourtant, surtout chez les plantes, bon nombre d'exceptions à cette règle. Tantôt, d'ailleurs, l'infertilité est absolue et complète, par suite de l'imperfection simultanée des organes des deux sexes : parfois l'organe mâle seul est stérile, l'imprégnation de l'ovaire pouvant se faire par le pollen d'une autre plante; parfois, au contraire, l'organe femelle étant inapte à l'imprégnation, le pollen peut fertiliser l'ovaire d'une autre espèce. Ce dernier cas se présente chez notre hybride, mais avec des circonstances dignes d'être soigneusement notées.

D'abord l'étude la plus scrupuleuse des organes génitaux de cette plante, ne dévoile aucune différence appréciable entre eux et les parties correspondantes des deux parents. Le pollen est très abondant; il sort des anthères au temps normal; ses granules, parfaitement conformés, produisent dans le sirop de sucre ou sur la viscosité du stigmate, des tubes bien remplis de fovilla (j'ai pu voir l'extrémité d'un de ces tubes polliniques pénétrer dans la cavité d'une loge ovarienne). Même perfection (au moins apparente) dans le tissu stigmatique, formé de papilles à cellules superposées; dans les ovules, un peu plus gros que ceux du N. rubra, rouges à leur extrémité micropylienne, pourvus d'un sac embryonnaire et plongés, comme à l'ordinaire, dans une gelée transparente. Avec de telles conditions de structure, avec des phénomènes d'anthèse se suivant dans l'ordre normal, comment s'expliquer la stérilité de la plante, tant sous l'influence de son pollen, que sous celle de pollens étrangers, (par exemple, des N. Ortgiesiana et rubra), surtout, quand ce pollen sans action sur sa propre fleur, a pu, transporté sur le stigmate du N. dentata, féconder les ovules de cette plante? (6)

Justement étonné de ces faits, nous avons voulu nous assurer, si, parmi leurs causes physiologiques, il ne faudrait pas compter le plus ou moins d'intensité d'un phénomène, depuis longtemps constaté dans les fleurs de diverses aroïdées, reconnu dans celles de la Courge, de la Tubéreuse, du Bignonia radicans (7) du Cycas circinalis, et plus récemment retrouvé par nous dans celles de diverses Nymphéacées. Nous voulons parler du dégagement de calorique qui s'opère dans les organes floraux de ces plantes vers l'époque de l'imprégnation, calorique dont l'excès (par rapport à la température de l'air ambiant) forme ce que nous appellerons chaleur florale. Ayant reconnu l'existence très manifeste de cette chaleur, sur les Nymphæa Ortgiesiana et rubra qui se fertilisent eux-mêmes, il importait de la rechercher chez le produit stérile de ces deux espèces. Absente, on pouvait peut-être voir en elle une condition sine quâ non de l'imprégnation; présente, il fallait en mesurer le degré comparativement à celui des fleurs fertiles, et voir si l'excès ou le défaut dans la quotité, pourrait expliquer l'insuccès de l'imprégnation.

Des expériences entreprises sur cet objet, pendant un trop court séjour chez M. Van Houtte, du 8 au 12 septembre 1852, sont concluantes sur un point, savoir, l'existence absolue de chaleur florale dans les fleurs stériles de l'hybride; mais elles restent incomplètes quant à la détermination de la quotité de cette chaleur chez les diverses Nymphéacées.

Le maximum de chaleur florale observé chez les trois plantes est de 5° C. pour le Nymphæa Ortgiesiana, de 3° pour le rubra et de 1° seulement pour l'hybride (8), l'expérience ayant eu lieu par l'immersion de la boule allongée d'un thermomètre à mercure, dans le cœur d'une fleur tenue fermée au moyen d'un fil de plomb. Mais, ces résultats obtenus sur des fleurs, au premier matin de leur expansion, ne sauraient être acceptés comme concluants, attendu les variations assez grandes que nous ont offertes, sous ce rapport, des fleurs de Nymphæa Ortgiesiana étudiées aux diverses périodes de leur durée. C'est même à cause de ces variations dans les résultats, que nous ajournons, jusqu'après nouvel examen, l'exposé synoptique de ces premières expériences. De nombreux essais entrepris sur un plan bien uniforme et dont les données soient réductibles en moyennes, peuvent seuls nous éclairer dans un sujet aussi délicat. Alors seulement nous saurons si, comme chez les Aroïdes et le Cycas circinalis, il y a dans la fleur des Nymphéacées, des paroxysmes périodiques de dégagement de chaleur, à quelles heures correspondent ces périodes d'exaltation, à quels autres phénomènes cette caloricité se rattache, questions difficiles dont il serait imprudent d'anticiper la solution sur des données encore imparfaites.

Enfin et avant de finir, nous croyons devoir exposer les résultats obtenus jusqu'à ce jour dans le croisement des Nymphéacées. La question vaut bien, ce nous semble, la peine qu'on s'y arrête, puisqu'il s'agit à la fois de multiplier des formes éminemment ornementales et d'éclairer par des expériences bien faites, l'importante théorie de l'hybridation. Dans cet aperçu rapide, nous prendrons le rôle d'interrogateur; M. Ortgies, donnera la réponse, d'après une étude longue et consciencieuse du sujet.

 (Planchon) (Ortgies)
 1° Quels sont les premiers essais connus d'hybridation entre les plantes de cette famille?
 

Dans un article du Gardener's Chronicle, publié seulement en juillet 1852, le Dr Lindley parle d'un hybride obtenu, il y a quelques années, dans le jardin de la Société d'horticulture de Londres, entre le N. scutifolia et N. alba. Mais les pieds, dit l'auteur, malheureusement négligés, périrent de bonne heure et le fruit de l'expérience fut perdu. Ajoutons que l'absence de tout détail sur le mode opératoire et sur les caractères du produit, laisse de grands doutes sur ce croisement de deux plantes appartenant à deux sous-types génériques différents.

Le même article mentionne d'une manière spéciale le Nymphæa hyb. Devoniensis, PAXT., au sujet duquel nous nous sommes expliqué dans la note 1, (p. 67) de la présente notice.

C'est vainement que nous avons cherché dans les livres la mention d'autres tentatives du même genre.

 2° Quels croisements ont réussi dans l'aquarium à Nymphéacées de l'établissement Van Houtte?
 

Ce sont les suivants :

ENTRE ESPÈCES DE NYMPHÆA DE LA SECTION LOTOS :

Nymphæa Ortgiesiana, fécondé (en 1851) par le Nymphæa rubra. Produit du croisement: le Nymphæa Ortgiesiano-rubra, dont les caractères mixtes attestent la nature hybride.

Nymphæa rubra, fécondé par le N. Ortgiesiana (été 1852).

N. thermalis par le N. rubra (été 1852).

Ces deux derniers croisements ont donné de jeunes plants qu'on espère voir fleurir l'an prochain.

ENTRE ESPÈCES DE NYMPHÆA DE SECTION DIFFÉRENTE.

N. thermalis (sect. Lotos), par N. scutifolia (sect. Cyanea) (été 1852).

N. alba (sect. Castalia) par N. Ortgiesiana (sect. Lotos) (été 1852).

Les graines ont produit de jeunes plants, dont on attend la floraison.

ENTRE LE NYMPHÆA ORTGIESIANO-RUBRA ET DES ESPÈCES NON BATARDES.

N. dentata, HOOK. (sect. Lotos).

N. alba (sect. Castalia).

Dans les deux cas, le pollen de l'hybride a fécondé les espèces pures. Des graines en sont provenues. Celles du premier croisement ont bien levé : les autres n'ont donné que trois jeunes plants quoique toutes eussent l'apparence d'être fertiles. Du reste, ce croisement entre le Nymphæa alba et le N. Ortgiesiano-rubra, doit rester encore douteux. Il n'a pas été opéré par moi (Ortgies), mais par M. Désiré Van Herzeele, l'un des chefs de culture de l'établissement Van Houtte, et malgré que ce praticien assure avoir suivi de tout point le mode opératoire mis en usage pour les autres cas, je ne saurais donner l'expérience comme décisive, avant de connaître les fleurs du produit.

 3° Quels croisements sont jusqu'ici restés sans résultat?
  N. scutifolia (sect. Cyanea) par N. dentata (sect. Lotos) et vice-versâ.
N. scutifolia par N. rubra (sect. Lotos) et vice-versâ.
N. odorata (sect. Castalia) par N. rubra (sect. Lotos).
N. Ortgiesiana (sect. Lotos) par N. dentata (sect. Lotos).
N. Ortgiesiana par N. cærulea (sect. Cyanea).

De ces premiers insuccès dans les tentatives faites pour allier ces espèces, il faudrait se garder de conclure l'impossibilité absolue de leur croisement. Nul doute, en effet, que des circonstances idiosyncratiques, c'est-à-dire tenant à la constitution même, soit des exemplaires, soit des fleurs en expérience, n'entraînent le plus ou le moins de facilité d'imprégnation. Ainsi, tel exemplaire ou telle fleur d'une espèce peut se rencontrer, qui donne des graines fertiles dans les mêmes circonstances apparentes où mille autres de même espèce ont avorté. Patience et persévérance, voilà la devise de l'expérimentateur.

C'est par de pareilles différences dans l'idiosyncratie qu'on peut s'expliquer les étranges caprices de la Victoria regia, quant à la germination. Des graines de cette plante, recueillies dans un même fruit, conservées dans les mêmes conditions, semées ensemble et sous un traitement identique, les unes ont pris pour lever 15 jours, d'autres 1 mois, d'autres 6 semaines, d'autres enfin, dont l'embryon semblait parfait, n'ont absolument pas germé. Quant aux graines obtenues par hybridation, on peut dire d'une manière générale que celles des Lotos lèvent le plus facilement, et celles des Castalia avec le plus de difficulté.

Avant de finir, nous indiquerons le mode opératoire suivi pour la fécondation croisée des Nymphæa.

La première fois qu'une fleur s'ouvre, les anthères restent constamment fermées, le pollen n'est pas tout à fait mûr; la coupe stigmatique est remplie d'un liquide clair. C'est alors qu'on enlève soigneusement avec un canif les étamines de la fleur destinée à devenir porte-graine. Quand cette fleur s'ouvre pour la seconde fois, le liquide du stigmate a disparu; ce stigmate est tout prêt à recevoir le pollen de l'espèce qui sert de mâle, pollen que l'on prend bien mûr et qu'on fait tomber en abondance des anthères sur la coupe stigmatique. Après celà, si, la troisième fois que la fleur s'ouvre, les processus stigmatiques (ou parastigmates) se montrent fortement courbés en dedans, c'est un signe que l'imprégnation s'est faite. D'autres symptômes, du reste, annoncent promptement la réussite ou l'insuccès de l'opération. Si l'ovaire et la partie supérieure du pédoncule jaunissent, peine perdue : si ces parties restent vertes, si l'ovaire grossit, espoir de récolte. J. E. P.

Apostilles
(1) Ce nom désigne le produit de la fécondation du Nymphæa rubra par le ci-devant Nymphæa dentata de la Flore des Serres (ci-dessus, t. VI, p. 293), aujourd'hui reconnu par nous comme distinct du vrai Nymphæa dentata et nommé Ortgiesiana, en l'honneur de notre ami M. Edouard Ortgies. Si, comme tout porte à le croire, le Nymphæa hybrid. Devoniensis des auteurs anglais (LINDL. in Garden. Chron. Jul. 10, 1852. HOOK. Bot. Mag., t. 4665. LINDL. in Paxt. Fl. Gard., III, 124, t. 98), provient du Nymphæa rubra fécondé par le N. dentata, HOOK., ce nom Devoniensis devrait faire place à celui de dentato-rubra. Ainsi le veut une loi très sage de la nomenclature botanique, qui réserve aux espèces les noms simples ou formés d'une seule épithète, et forme ceux des hybrides par la combinaison du nom du père mis en tête, à l'ablatif, avec le nom de la mère, au nominatif. Malheureusement, les auteurs cités à propos de ce Nymphæa Devoniensis, n'en indiquent que très vaguement l'origine, nommant comme parents, ceux-ci les Nymphæa Lotus et rubra, ceux-là les Nymphæa rubra et dentata, sans nous apprendre laquelle de ces plantes a servi de porte-graines. Pareille négligence étonne peu de la part de l'ex-éditeur du Magazine of Botany. Ce qui paraîtra plus surprenant, c'est qu'une plante aussi remarquable ayant fleuri, dit-on, à Chatsworth, du 12 avril au milieu d'octobre 1851, la publication à titre d'hybride n'en ait été faite qu'en juillet de l'année suivante, c'est-à-dire, après que M. Ortgies a parlé publiquement en Angleterre de l'hybride obtenu par lui, dans l'établissement Van Houtte. N'est-ce pas alors seulement et par une réflexion rétrospective, qu'on s'est avisé d'assigner une origine mixte à la plante considérée auparavant comme forme du Nymphæa rubra? En tout cas, la justice et les convenances exigeaient que, dans l'article du Gardener's chronicle consacré au Nymphæa Devoniensis, mention fut faite de l'hybride tout-à-fait semblable et d'origine bien constatée, exposé par M. Van Houtte aux yeux du public horticole anglais, dans l'exhibition florale de Chiswick (mai 1852). Mais que devient la justice à côté de la gloriole? O vanité! vanité! tu vas te nicher jusque dans les fleurs.

(2) Trois Nénuphars à fleurs blanches, appartenant au sous-groupe des Lotos, demandent à être étudiés comparativement et, s'il est possible, sur le vivant, afin d'être distingués l'un de l'autre. Ce sont :

Le Nymphæa Lotus, L. Le Lotus blanc des anciens, plante d'Egypte, que nous avons vainement cherchée dans les serres, en France, en Belgique, en Italie. D'après les exemplaires desséchés, recueillis près du Caire, par feu le professeur Delile et le voyageur Bové, cette espèce paraît différer du N. dentata, TH. et SCHUM. (HOOK. Bot. Mag., t. 4257) et de notre N. Ortgiesiana, par ses feuilles et ses fleurs plus petites, ses sépales plus larges à la base et ne faisant pas un coude à quelque distance au-dessus de leur insertion, par ses filets d'étamines plus élargis dans le bas. Ces filets ne sont pas maculés de rouge, comme ceux de notre N. Ortgiesiana.

2° Le Nymphæa dentata, THONN. et SCHUM. HOOK. l. c. Cette espèce, introduite de Sierra-Leone en Angleterre, est aujourd'hui cultivée chez M. Van Houtte, où nous avons pu la comparer avec notre N. Ortgiesiana.

Elle s'en distingue par des caractères assez légers, mais qui paraissent constants, par exemple, les feuilles maculées de bleuâtre sur leur face inférieure, les pétales plus obtus, courtement acuminés, les filets non maculés à leur base interne.

3° Le Nymphæa Ortgiesiana, NOB. (Nymphæa dentata, NOB. supra, t. VI, tab. 293) non TH. et SCHUM, N. Lotus, GUILL. et PERROT. (Fl. Seneg., pro parte, non L.)

Cette espèce, à très grandes fleurs, que M. Van Houtte reçut, il y a quelques années, d'Angleterre, sous le nom de Nymphæa dentata, paraît être originaire du Sénégal. Un ami de M. Naudin, M. Boilat, curé de St. Louis (Sénégal), en voyant la figure que la Flore en a publiée, l'a reconnue pour une plante très commune dans ce pays. D'ailleurs elle existe dans l'herbier de Sénégambie du Muséum de Paris. Elle s'éloigne plus du Lotus que ne fait le Nymphæa dentata de Hooker.

Autre observation. Le Nymphæa Lotus de la flore d'Oware et de Benin, dont il n'existe que des fragments dans l'herbier de Palissot de Beauvois (actuellement dans la collection Delessert), diffère des trois espèces précédentes, par ses feuilles plus pubescentes en dessous et ses sépales revêtus d'un duvet assez serré. Ces mêmes sépales ressemblent à ceux du N. Lotus, L. quoique comparativement plus larges à la base : ils s'éloignent davantage par la forme de ceux des Nymphæa Ortgiesiana et dentata.

(3) Nous acceptons comme très-convenable la distinction établie par M. Vilmorin, entre les hybrides proprement dits, produits du croisement entre deux espèces naturelles, et les métis résultant du croisement entre deux variétés ou deux races d'une même espèce. (Voir l'article de M. Vilmorin, Revue hort. 1er mars 1852.)
(4) Parmi les documents que M. Ortgies a bien voulu nous fournir pour cet article, se trouve la description pittoresque d'une sorte de lutte entre diverses Nymphéacées, plantées toutes jeunes à la même époque et dans le même bassin, dont elles se disputaient l'espace dans le cours de leur développement. En pareille occurrence, la Victoria regia se fit naturellement la part du lion : après quoi dans l'ordre du plus ou moins usurpant, se rangèrent successivement les Nymphæa Ortgiesiano-rubra, Ortgiesiana, dentata, scutifolia et cærulea. Plantées en avril, toutes ces espèces (à l'exception du N. rubra) commencèrent à fleurir en mai; mais tandis, qu'après trois mois de floraison, tombèrent épuisés, d'abord le Nymphæa dentata, puis les N. scutifolia et cærulea, la lutte se prolongeait toujours active entre le Nymphæa Ortgiesiana et sa progéniture bâtarde, enfin le père tomba le premier, laissant le champ libre à l'hybride, qui fleurissait encore abondamment aujourd'hui, 12 janvier 1853.
(5) Ce caractère de stérilité, reconnu constant chez une plante intermédiaire, par les traits entre deux espèces des mêmes localités qu'elle, doit paraître sinon une preuve péremptoire, du moins une forte présomption de la nature hybride de cette plante. C'est là-dessus que je me fonde pour supposer que le Drosera obovata de Koch, provient par fécondation croisée des Drosera anglica et rotundifolia. Ayant récolté, l'automne dernier, cette plante rare, près du lac de Lispach, dans les Vosges, parmi des exemplaires toujours fertiles des deux espèces mentionnées, j'en ai constamment trouvé les capsules atrophiées et dépourvues de graines mûres.
(6) Toutes ces expériences de fécondation appartiennent à M. Ortgies, dont l'habileté ne saurait être mise en doute.
(7) La première observation de ce genre, fut faite par Lamarck, en 1777, sur l'Aram italicum. Un grand nombre d'autres, ayant pour objet des plantes de la même famille, ont été publiées par Sénébien, Th. de Saussure, Bory-St Vincent, Schultz, Ad. Brongniart, de Vriese, etc. La chaleur florale, comparativement très faible, des fleurs de Tubéreuse, du Bignonia radicans et des fleurs mâles de la Courge, fut constatée par Théodore de Saussure. Plus récemment, M. Tysman, par la plume de M. de Vriese, a fait connaître la chaleur très remarquable (9°-14° C.) du cône mâle du Cycas circinalis. (Voir HOOK, Journ. of Bot. juin 1851.) Enfin, nous avons le premier signalé la chaleur florale de la Victoria regia, avant que M. Otto eut publié ses observations sur le même objet.
(8) En septembre 1850, des essais multipliés sur une fleur de la Victoria (depuis 7 heures du soir, moment où les anthères s'épanouissent jusqu'à minuit environ où elles commencent à se rapprocher en convergeant vers le cœur de la fleur) ces essais, dis-je, me donnèrent un maximum de chaleur de 6° C., la température de l'air ambiant étant de 30°. M. Otto, qui par parenthèse n'aurait pas dû passer sous silence ces résultats à lui bien connus, avait observé (en septembre 1851, à 7 h. 10 m. du soir) un maximum de 6°,4 C., puis en octobre de la même année, un maximum de 8°,45. Plus récemment, le 8 août 1852, le même auteur n'a plus trouvé comme maximum (de 6 h. 50 m. et 7 h. 20 m. du soir) que 6°,4 comme la première fois. (Pour les détails, voir Neue allgem. Gart. und Blum. Zeit. 1851, p. 488 et 1852, p...) J'ajouterai, qu'au mois de septembre dernier, dans l'établissement Van Houtte, une fleur de Nelumbium speciosum fraîchement ouverte, coupée et plongée dans l'eau de l'aquarium aux Nymphéacées, puis fermée par un fil de plomb, a fait monter en 10 min. le thermomètre de 29°,5 à 32°,5.

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